Je m'engage donc dans la cour. Elle est à peu près déserte. Le 25"' transport est parti dans les derniers jours de mai et aussitôt après, les Allemands ont réuni les hommes restants, ceux qui ont un numéro de transport, pour les envoyer dans un Camp de travail à Schoten. Mon mari en est. Sont demeurés à Malines, outre les femmes et les enfants, les travailleurs nantis d'un numéro W, les chefs de salle, ceux qui, jusqu'à nouvel ordre, échappent a la déportation et auxquels sont venus s'ajouter depuis les nouveaux arrêtés et parmi eux le pittoresque Léon Moresco, dit Napoléon, ancien garçon aux abattoirs, amputé d'un pied, ce qui ne l'empêche pas' d être aussi agile qu'un singe, et qui s'exprime dans un savoureux parler marollien. Finalement, cela fait peu de monde et la cour est presque vide quand je la traverse. Le Jeune et beau Hans. le "Hofarbeiter", natif de Vienne, vient à ma rencontre, son balai sous le bras, un malin sourire au corn des lèvres : "Frau Beer, morgen putzt die Liliane !" Je le regarde sans comprendre. Liliane est la maîtresse du SS Sturmbahn führer Franck, commandant du camp. Hans me souffla alors à l'oreille que le débarquement a eu lieu, à I aube, sur les plages de Normandie. Il tient la nouvelle des maraîchers malinois venus tantôt aux cuisines. Le cœur battant, je monte dans ma salle. Je fais signe à Aiva Sloutzky, ma proche amie, je rne précipite vers Isa Goldstein, le "Stubenältesten ", lequel arrive tout aussi abruptement vers moi pour m'annoncer : "Ils ont débarqué ! " Lui l'a apppris par sa source d'information habituelle dont il fait grand mystère, mais que je soupçonne être Lotte, la secrétaire du Commandant, à moins que ce ne soit Dago Nayer, en personne, le Lagerführer, tous deux détenus comme nous, mais détenus privilégiés. Isa e de hautes relations et sait en user. Une heure après, je constate que toute la caserne est au courant et essaye de cacher sa jubilation. Commence l'attente, celle des événements
militaires et celle des nommes de Schoten. dont on dit qu'ils vont
revenir. La semaine précédente déjà, l'un d'eux a été ramené pour
être libéré. C'est Schlam Goldschläger dont le marriage mixte qui
date d'avant la guerre a enfin été reconnu par
les Allemands. Il a eu le temps de me raconter qu'il y a eu des évasions,
que les SS ont redoublé de surveillance et que mon mari et Charles
Tolkowsky poursuivent leurs discussions métaphysiques en pelant des
patates ou on chargeant du bois. Ceci dit. tout lu monde se porte
bien. Je
m'en rendrai
compte quand
le
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